Mémo à l'usage des employeurs : deux alternatives à la clause de non-concurrence insérée dans le contrat de travail.
Il est triste de quitter sa patrie pour toujours mais il pire de ne pas avoir le droit de la quitter (Gavril Derjavine).
Un des objectifs d’une clause de non-concurrence, pour un employeur, est de s’assurer que l’ancien salarié n’exercera pas de concurrence déloyale après avoir quitté l'entreprise, qu'il ne partira pas en emmenant la clientèle de l'entreprise comme souvenir.
L'insertion d'une clause de non concurrence dans un contrat de travail permet à l'employeur de s'assurer que le salarié ne passera pas au camp adverse ou ne devienne pas, à lui seul, un redoutable adversaire commercial.
Mais l’exécution de la clause de non concurrence peut être contrariée lorsqu’à la rupture du contrat de travail, l’employeur décide de lever la clause, dans les délais convenus, afin d’éviter de payer une contrepartie financière… ou lorsqu’il est prévu au contrat une indemnité d’un montant dérisoire et qu'en conséquence la clause de non-concurrence devient facilement contestable devant Conseil de Prud’hommes par le salarié.
Ainsi, après un rappel des conditions de validité de la clause de non-concurrence insérée dans le contrat de travail, cet article s’intéressera aux ‘alternatives’ à la clause de non-concurrence.
Ainsi, après un rappel des conditions de validité de la clause de non-concurrence insérée dans le contrat de travail, cet article s’intéressera aux ‘alternatives’ à la clause de non-concurrence.
Deux mécanismes juridiques «alternatifs » à la clause de non-concurrence seront étudiés la clause de non-sollicitation de personnel et la clause de confidentialité insérées dans le contrat de travail.
Le mot «alternatif(ves)» est entre guillemets car si ces deux clauses peuvent être insérées dans le contrat de travail en plus d’une clause de non-concurrence, elles ne peuvent avoir les quasi-même effets juridiques de cette dernière que dans certains cas particuliers, et si les circonstances le rendent possible.
Une des particularités commune à ces deux clauses est qu’elles n’obligent pas l’employeur à verser une contrepartie financière au salarié à l’issue du contrat à la différence de la clause de non-concurrence insérée dans le contrat de du travail.
1. Rappels concernant la clause de non-concurrence insérée dans le contrat de du travail

La clause de non-concurrence insérée dans le contrat de travail, est une clause par laquelle un employeur interdit à son salarié, après la rupture du contrat de travail, d'exercer une activité professionnelle, salariée, ou non, susceptible de concurrencer celle de son ancien employeur.
La clause de non-concurrence peut être insérée dans tout type de contrat de travail : contrat à durée indéterminée, contrat à durée déterminée, contrat temporaire, contrat de formation en alternance...
Les conditions de validité des clauses de non-concurrence dans le contrat de travail ont été définies par la jurisprudence. Ces conditions sont cumulatives (Cass soc. 10 juillet 2002) :
Condition n°1 : La clause de non-concurrence doit être inscrite dans le contrat de travail ou faire l'objet d'un avenant approuvé le salarié.
Condition n°2 : La clause de non-concurrence doit être indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise.
La clause de non-concurrence doit être établie dans le seul but de protéger les intérêts légitimes de l'entreprise et en outre, elle ne doit pas avoir pour conséquence de mettre le salarié dans l'impossibilité absolue d'exercer son activité professionnelle (Cour de cassation, Chambre sociale, 25 septembre 1991).
Condition n°3 : La clause de non-concurrence doit être limitée dans le temps, et dans l'espace.
Condition n°4 : La clause de non-concurrence doit tenir compte des spécificités de l'emploi du salarié.
Elle doit être limitée quant aux activités qu'elle interdit au salarié d'exercer. La clause de non-concurrence doit être limitée quant aux activités interdites et ne doit pas empêcher le salarié de travailler. Il s'agit également d'une appréciation au cas par cas suivant la spécialisation du salarié, l'existence d'autres branches d'activité. Le poste occupé par le salarié doit nécessiter un contact direct avec la clientèle.
Condition n°5 : La clause de non-concurrence doit comporter l'obligation pour l'employeur de verser au salarié une contrepartie financière qui ne doit pas être dérisoire.
Cette contrepartie financière a pour objet d'indemniser le salarié qui, après rupture du contrat de travail, est tenu d'une obligation qui limite ses possibilités d'exercer un autre emploi. La contrepartie financière ne peut être versée qu'après la rupture du contrat. Etant assimilée à un salaire, elle est soumise à cotisations sociales, CSG et RDS et doit faire l'objet d'une fiche de paye mentionnant " indemnité compensatrice de non-concurrence ". (En général, son montant est de 20 à 25% de la rémunération brute).
A défaut de réunir toutes ces conditions, la clause de non-concurrence est " nulle " car illicite. Cette nullité de la clause de non-concurrence ne remet pas en cause l'intégralité du contrat. Seule la clause est considérée comme " nulle " et l'employeur ne peut alors pas s'en prévaloir si son ancien salarié exerce -loyalement- une activité concurrente à la sienne.
Enfin, cette clause doit fixer un délai raisonnable imparti à l'employeur pour renoncer à l'application de la clause. A défaut d'une telle mention, l'employeur doit prendre position au jour de la notification du licenciement.
2. La clause de non-sollicitation de personnel.

La clause de non-sollicitation est convenue entre deux employeurs, le débiteur de l'obligation de ne pas solliciter n'est pas le salarié, il s’agit d’un des deux employeurs. Ainsi, cette clause n'est en principe pas soumise aux exigences de la jurisprudence sociale et à la contrepartie financière de la clause de non-concurrence. La chambre commerciale a pu ainsi décider qu'elle ne « constitue pas une clause de non-concurrence dont elle n'est ni une variante ni une précision de celle-ci » (Cass. com., 11 juill. 2006, n° 04-20.438).
La clause de non-sollicitation est utilisée pour tenter de contrer la jurisprudence des arrêts de la Cour de cassation du 10 juillet 2002 concernant l’obligation pour l’employeur de verser au salarié une contrepartie financière lorsqu’une clause de non-concurrence est insérée dans le contrat de travail.
La clause de non-sollicitation de personnel permet donc à une entreprise d’interdire, dans ses contrats commerciaux, à ses clients ou fournisseurs d’embaucher, pendant une certaine période, le personnel de l’entreprise, sous peine d’avoir à lui verser une indemnité. Le montant de cette indemnité peut être fixé en fonction du salaire du salarié débauché ou forfaitairement en fonction du préjudice qui pourrait en résulter pour l’entreprise et non du salaire du salarié (contrats informatiques).
La clause de non-sollicitation de personnel crée une obligation de ne pas faire, pour celui qui sera le futur employeur du salarié. Mais elle ne crée pas d’obligation de faire, ou de ne pas faire, -pour le salarié-.
Le débiteur de cette clause de n’est pas un concurrent du bénéficiaire. Il est par contre un client ou un fournisseur de ce bénéficiaire.

La clause de non-sollicitation de personnel prohibe l’embauche future des salariés par un client ou un prestataire. Elle oblige en principe le futur et potentiel employeur et non le salarié.
La clause de non-concurrence et la clause de non-sollicitation peuvent ainsi avoir des effets similaires.
Cette similitude entre clause de non concurrence et clause de non sollicitation peut entrainer, dans certains cas, une requalification de la clause de non sollicitation en clause de non-concurrence ou l’application du même régime juridique.
En effet, l’application de cette clause entre deux entreprises dans un marché du travail restreint et pour un poste qualifié, peut en pratique empêcher un salarié de retrouver un travail et ainsi porter atteinte à une liberté individuelle constitutionnellela liberté du commerce et du travail. Or selon la chambre commerciale de la Cour de cassation, le salarié peut très bien se prévaloir du trouble qu’est susceptible de lui causer une clause de non-sollicitation ne comportant pas de contrepartie financière (Cass. Com. 10 mai 2006).
La clause de non-sollicitation qui met obstacle au recrutement d'un salarié porte atteinte à sa liberté de travailler, justifiant le paiement d'une indemnité au titre du préjudice causé. (Cass. soc., 2 mars 2011, n° 09-40.547). Ainsi, certaines circonstances, par exemple un marché du travail restreint et un salarié hautement qualifié, pourraient, à la demande du salarié, entraîner soit une nullité de cette clause, soit une contrepartie financière accordée au salarié par l’ancien employeur.
Ainsi, Cette clause par laquelle une partie à un contrat commercial s’engage à ne pas solliciter, ni faire travailler, directement ou indirectement, et/ou par personne interposée, tout salarié, collaborateur, mandataire de l’autre partie, (même si la sollicitation initiale est effectuée par le salarié) est donc à utiliser avec précaution par l’employeur.
3. La clause de confidentialité

Comme la clause de non-sollicitation, la clause de confidentialité implique une obligation de ne pas faire.
L’utilisation d’une information confidentielle, d’un secret, d’un savoir-faire par le salarié sortant de l’entreprise peut constituer un acte de concurrence déloyale si l’information est réellement confidentielle. La clause de confidentialité permet alors de préciser le contenu de l’information à protéger.
La clause de confidentialité peut interdire au salarié d’utiliser une information ou un savoir-faire mais elle ne doit pas interdire au salarié de pratiquer ses compétences professionnelles auprès d’un autre employeur. La clause du contrat doit correspondre à un intérêt légitime de l’employeur. Le secret ou l’information protégée doit être réel et ne doit pas correspondre à des informations générales ou à des compétences professionnelles générales d’un salarié.
La clause de confidentialité se distingue de la clause de non concurrence dès lors qu’elle ne place pas le salarié dans l’impossibilité d’utiliser sa qualification professionnelle et ne porte pas atteinte à la liberté du travail.
La validité de la clause de confidentialité n’exige de l’employeur qu’il verse au salarié une contrepartie financière. (CA Versailles, 27 septembre 1994).
Toutefois, si la preuve de l’inexécution de cette clause peut être facilement apportée par le constat que l’information confidentielle a été dévoilée, il est plus difficile pour l’employeur, d’obtenir, concrètement, un dédommagement. En effet, il devra apporter la preuve, premièrement, que l’information confidentielle a été dévoilée et deuxièmement, que c’est le salarié sortant qui a divulgué l’information confidentielle…
4. Conclusion
Chers employeurs, il convient de retenir que la clause de non concurrence n'est pas la seule clause possible et efficace pour défendre votre entreprise contre une concurrence déloyale d’un ancien salarié ou une fuite de talents et de savoir-faire chez l’entreprise concurrente… la clause de non-sollicitation et la clause de confidentialité peuvent être utilisées en adjonction d’une clause de non-concurrence ou, si les circonstances le rendent possible, en remplacement.
Cependant, lors de la rédaction de ces clauses, il convient de garder à l’esprit que la liberté du commerce et du travail sont des libertés individuelles et constitutionnelles que les Conseils de Prud’hommes et les Tribunaux de commerce protègent.
L’équilibre initial d’un contrat reste primordial pour espérer sa bonne exécution…
(Même si on peut se demander«Pourquoi certains n'auraient pas tout ?» après tout, «y en a qui n'ont rien. Ca fait l'équilibre». [Michel Audiard])
Timo RAINIO
Avocat Lyon
www.avocat-rainio.com
4. A noter / Mise a jour (4 juillet 2025)
Attention, selon une décision récente de la la Commission européenne, les accords de non-débauchage réciproques de salariés peuvent être constitutifs d’ententes illicites
Pour la première fois, la Commission européenne a sanctionné deux entreprises pour avoir conclu un accord de non-débauchage réciproque de salariés, le qualifiant d’entente anticoncurrentielle par objet au sens de l’article 101 du TFUE.
Cette infraction a été facilitée par la prise de participation minoritaire de l’une des sociétés dans l’autre.
Le 2 juin 2025, la Commission a infligé des amendes à deux grands acteurs européens de la livraison de produits alimentaires commandés en ligne.
Ces sociétés s’étaient entendues pour :
- ne pas recruter activement les salariés de l’autre,
- échanger des informations sensibles (stratégies commerciales, prix, capacités, coûts, caractéristiques des produits),
- et se répartir certains marchés géographiques.
Ces pratiques ont été qualifiées d’infraction unique et continue. La Commission souligne que l’accord initial de non-recrutement, contenu dans un pacte d’actionnaires signé lors de l’acquisition minoritaire, avait évolué vers un engagement général de non-sollicitation des employés.
Cette participation, bien que sans contrôle capitalistique, a également permis des échanges anticoncurrentiels réguliers entre les entreprises.
Il s’agit de la première décision européenne sanctionnant une entente sur le marché du travail. La Commission insiste sur sa volonté de garantir un environnement où les employeurs concurrent loyalement pour attirer les talents, au lieu de restreindre les opportunités professionnelles des travailleurs.
Cette décision constitue également une première en ce qu’elle illustre les risques anticoncurrentiels liés à une participation minoritaire dans une entreprise concurrente. La Commission rappelle que si une telle détention n’est pas illégale en soi, elle peut favoriser des comportements collusoires et doit donc être maniée avec précaution.
👉 À noter : Une entente par objet n’exige pas la démonstration de ses effets concrets sur le marché : sa seule nature suffit à caractériser l’infraction.
Par ailleurs, l’Autorité de la concurrence française a récemment sanctionné plusieurs entreprises concurrentes pour avoir conclu des accords de non-débauchage, prenant la forme de "gentlemen’s agreements", de portée générale et illimitée dans le temps. Ces accords interdisaient non seulement le recrutement actif, mais aussi l’embauche résultant de candidatures spontanées (Décision n° 25-D-03 du 11 juin 2025, à paraître).
L’Autorité rappelle que de tels accords, même pris isolément, relèvent de pratiques anticoncurrentielles par objet, surtout lorsqu’ils sont mis en œuvre dans un cadre général aux contours flous, tant sur le plan temporel que matériel. Elle avait déjà sanctionné de telles pratiques dans une décision antérieure (n° 24-D-06 du 21 mai 2024).
Timo RAINIO
Avocat Lyon
www.avocat-rainio.com
Avocat Lyon
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